mardi 25 septembre 2007

Maison des esclaves, la fin du mythe



Maison de la signare Anna Colas Pépin
et de son père Nicolas
La maison de la signare ‘‘ Anna Colas ’’ (surnom voulant dire Anna la fille de Nicolas Pépin) fut construite sur des terrains achetés au très corruptible commandant anglais William Lacy entre 1779 et 1783.
Anna Colas est la fille de Nicolas Pépin, commerçant et notable de la communauté mulâtre de Gorée. Elle est aussi la nièce de la célèbre signare Anne Pépin, qui fut la maîtresse et l’associée du chevalier Stanislas de Boufflers.
Le style choisi pour la maison, qu’elle hérita de son père Nicolas Pépin, est d’inspiration italienne, un style à la mode à la fin du xviiie siècle en Europe. Il est certain que la maison dite d’‘‘ Anna Colas ’’ a été en fait construite au début dans un style beaucoup plus rudimentaire par son père pendant la période 1779-1783. Des améliorations esthétiques ont été apportées par Anna au début du xixe siècle, et peut-être a-t’elle ajouté le double escalier.
À partir de la cour de cette magnifique maison bourgeoise, on accède à l’étage par un double escalier. Le rez-de-chaussée servait de stock pour la gomme, l’or, les cuirs et les nombreux outils de menuiserie et charpenterie destinés à l’entretien et la petite réparation de navire. Une porte au fond du rez-de-chaussée donnait sur la mer. Elle servait à jeter les déchets de la maison directement à la mer. (il était extrêmement dangereux d’aborder la maison par la mer à cause des nombreux rochers). De plus, une muraille existait à cet emplacement jusqu’en 1780 rendant impossible tout embarquement à cet endroit. Il est évident que cette maison comme les autres maisons de Gorée n’ont jamais contenu d’esclaves de traite, les signares étant en général réfractaires à la déportation des esclaves aux Amériques. Les seuls captifs qui existaient dans les maisons de Gorée étaient les captifs de case (domestiques). Les très rares esclaves de traite (déportés) passés par l’île ont été enfermés dans le fort, le bâtiment du gouvernement et l’hôpital : il y en eut entre 900 et 2000¹ en un siècle (xviiie siècle).
L’idée pathétique de porte par laquelle seraient passés des esclaves embarquant pour l’Amérique n’était rien d’autre qu’une histoire fantaisiste destinée à impressionner les touristes de la fin du xxe siècle. Une invention farfelue que l’on doit à Pierre André Cariou, médecin de la marine Française, en poste au Sénégal durant la deuxième guerre mondiale. Cet auteur produisit un manuscrit non édité, Promenade à Gorée ², dans lequel il mélange données historiques reposant sur des archives et invention de faits. Cariou fut démasqué dès cette époque par le professeur Mauny de l’Ifan qui mit en doute certaines de ses affirmations dans un guide sur Gorée de 1951¹ et depuis par de nombreux autres chercheurs sérieux. Les fantaisies de Cariou ont toujours été dénoncées par d’authentiques Goréens, les vielles familles appelées communément… les habitants.
Le rez-de-chaussée de la ‘‘ maison d’Anna Colas ’’ servit à loger une dizaine de serviteurs dévoués. Elle servait aussi, comme la plupart des belles maisons de Gorée, de gîte pour voyageurs. Anna Colas fervente catholique accepta d’y héberger l’église de Gorée à partir 1789 (archives paroissiales de Gorée¹), jusqu’à la construction de l’église Saint-Charles de Gorée en 1830. C’est dans cette maison au double escalier que la signare Anna Colas Pépin épouse au début du xixe siècle le maire de Gorée François de Saint Jean, son cousin. Elle y reçut le prince de Joinville à deux reprises en 1837 et 1843.
Extrait de : Céleste ou le temps des signares - Edition Anne Pépin 2006 - Jean Luc Angrand - Prix Robert Cornevin 2006
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